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Bénin: Inès Kuassi, de la télé au Café

Comme si faire la télé ne suffisait pas pour changer les consciences, Inès Kuassi descend au « café Environnement » pour former une armée d’écocitoyens.

Le mot peut sembler fort. Cependant, c’est dingue d’écouter Inès raconter son histoire, sa rage de vaincre. Pour ressentir ce supplément d’âme qui habite l’ancienne présentatrice de Lc2 télévision, il faut la rejoindre non pas sur un plateau télé, mais au café, au milieu de jeunes écolos.

Inès Kuassi, initiatrice de Café Environnement ©Café Environnement

Café Environnement, voilà l’initiative qui mobilise depuis quelques semaines, toute son énergie. « Nous sommes à moins de huit ans du délai fixé pour l’atteinte des Objectifs de développement durable (Odd). Je me suis alors dit que ce serait génial de mettre en place un vaste réseau de jeunes qui amène à faire un bond », confie la journaliste pour qui l’idée a pris corps et s’étend au-delà de nos frontières. « Ce mois-ci, il y a une restitution au Cameroun. C’est juste extraordinaire », se réjouit Inès.

Des emballages végétaux au Café Environnement

L’innovation réside en l’appel à l’action des jeunes. Chaque mois, ils sont cinquante invités au café.  « L’entrée est gratuite, mais vous obtenez votre pass sur la base de votre engagement », précise-t-elle.

Inès Kuassi et une ambassadrice de Café Environnement

La séance commence par un thé de menthe et de citronnelle. Deux experts entretiennent les participants. Kuassi assure elle-même la modération. Et quand l’atmosphère devient trop sérieuse, sous une pluie de questions, un artiste vient briser la glace : « J’ai prévu un artiste, parce que quand les jeunes voient leur idole dans une activité, ça les intéresse ».

Des boissons locales servies dans des calebasses pour être fidèles au message de Café Environnement ©DR

Café Environnement, c’est aussi un buffet fait de mets entièrement locaux, où l’on mange sans fourchette, sans couteau, sans cuillère. « On se lave les mains. Ainsi, les participants s’approprient le bon geste du lavage des mains qui nous évite les maladies diarrhéiques », dit-elle. Et si les repas sont servis dans des assiettes en terre cuite, Inès a une raison pour ça. « C’est une manière de valoriser le terroir. On boit des boissons locales comme le chakpalo dans des calebasses pour être fidèles au message. On fait des mets dans des emballages végétaux pour dire non aux sachets », relate-t-elle d’un geste.

Retour aux armes avec Café Environnement

La passion de Inès pour l’écologie a pris corps à l’âge de 15 ans. Élève à l’époque au Ceg Akpakpa Centre, elle fut enrôlée dans le programme Global Learning and Observation to Benefit the Environment (Globe). L’adolescente y a trouvé son déclic pour se lancer. « Ce programme nous a amenés à prendre conscience tout en titillant notre fibre scientifique. On avait une mini-station météo dans le collège. Je me rappelle avec beaucoup d’émotion et de joie combien les étoiles brillaient dans les yeux de ma mère quand je lui disais tiens regardes dans le ciel, ce nuage s’appelle cumulus et que je décrivais. Elle était émerveillée », se souvient-elle.

Aujourd’hui, sa mère, l’institutrice à la retraite peut être fière. La petite Inès a entendu son appel et s’est envolée. Il y a surtout un message qui lui est resté, un quart de siècle après : celui de ne rien jeter nulle part ailleurs que dans les poubelles. « Ces habitudes me sont restées. Le fait de les pratiquer me permettait de m’engager », souligne-t-elle.

Cette conviction s’est associée par la suite à sa passion pour le journalisme et à ses études en sciences de l’Environnement pour forger cette serveuse de café qui vise loin.  « Nous devons faire en sorte que d’ici 2030, les jeunes soient la force motrice qui amènent les communautés à comprendre que s’engager pour la planète, c’est le faire pour soit. Quand je décide de ne pas manger chaud dans des sachets, je le fais pour moi, pour ma santé », souligne-t-elle de son sourire naturel.

La formule fait ses preuves

L’après-café est encore plus édifiant pour les jeunes. Les nouveaux ambassadeurs de la planète reçoivent un encadrement spécifique pour convaincre d’autres. Inès suit de près les messages sur le terrain et sur la toile. « Si vous voulez faire engager quelqu’un à la protection de l’environnement, ça ne sert à rien de venir avec des chiffres et des chiffres. Il faut échanger avec les gens, voir les gestes qu’ils adoptent déjà et leur montrer qu’au regard des avantages qu’ils en tirent, s’ils faisaient un peu plus, ce sera génial ».

La présentatrice Inès Kuassi réalisant une émission sur un dépotoir sauvage

C’est du bénévolat, mais la journaliste a de quoi susciter la motivation. « Ce sont des bénévoles, mais nous sommes impressionnés par leurs capacités de mobilisation, de réflexion et d’ingéniosité. Ils sont talentueux. On se sent le devoir de taper à des portes pour leur trouver des lots d’encouragement. Les repas et autres, il faut des moyens pour ça ».

On touche ainsi les communautés et on les engage

La lady environnementaliste se félicite que les lignes bougent. « Le café impacte au minimum chaque mois 1000 personnes sur le terrain. Ils sont 50 ambassadeurs et ils doivent toucher au moins 20 personnes. Plusieurs vont beaucoup au-delà et touchent en une séance plus de 100 personnes. On touche ainsi les communautés et on les engage ».

Mais la promotrice la web tv Planète terre à terre n’a pas pour autant tourné dos au micro. Demandez à Inès sa destination, elle vous répondra sans doute « Je ne sais pas ». Cependant, derrière ses éclats de rire, il y a une ambition : « Je veux que les jeunes du monde entier s’engagent.  Personne à lui seul ne peut se lever pour porter le message environnemental ». Son dernier café date du 30 juin 2022, trois jours avant qu’elle ne boucle ses 38 ans. Le prochain rendez-vous est dans un mois.

Source : La Nation du 23 juin 2022

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Auteur·e

fadjimehossou

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